En cas d’amour

Capture d_écran 2018-11-16 à 09.52.18Je suis un peu incorrigible, la fille qui ne sait pas s’arrêter de penser pour vivre. Je lutte contre cette obsession des idées, du cerveau qui tourne en boucle sur quelque chose, qui ne parvient pas à débrancher. Mais, je n’y parviens pas, malgré les lectures, le tricotage, les séries, les occupations pour débrancher…

En début de semaine, je suis passée à Ombres Blanches, la librairie toulousaine pour acheter le livre de poésie de Cécile Coulon, que je suis sur FB et que j’aime beaucoup. Il était en rupture, je suis donc montée à l’étage « psycho » pour voir les nouveautés. J’évite dorénavant tous les bouquins qui vous prédisent le bonheur en trois semaines, je crois que j’ai un peu fait le tour de la question des recettes prédéfinies, qui ne peuvent pas, forcément, s’adapter à tous, ce serait trop facile. Et je suis tombée sur ce bouquin : « En cas d’amour, psychopathologie de la vie amoureuse ». La dernière de couverture me parlait déjà beaucoup mais j’avoue que le premier chapitre avalé sur un des fauteuils de la librairie a fini de me convaincre. Il commence ainsi : « je voudrais que vous me débarrassiez de l’amour ». C’était exactement ce que j’ai dit à ma psy, je veux être anesthésiée des sentiments, je ne veux plus aimer parce que je ne veux plus souffrir, je veux pouvoir avoir des relations tout en légèreté mais pourtant qui auraient un sens. Et c’est exactement ce que la première patiente de la psychanalyste du bouquin sollicite. Il est finalement bon de lire que ce que l’on vit à quelque chose de commun, d’universel, parce que cela signifie que les solutions peuvent aussi exister, que ce n’est pas le trou noir d’une incompréhension impossible à combler.

Hier, j’ai l’impression d’avoir passé un cap, j’ai arrêté toute communication avec le propriétaire du chat. J’avoue pour de mauvaises raisons, ou du moins des raisons minables. Il venait, comme d’habitude, une fois par semaine, prendre des nouvelles de son chat et me balancer à la gueule, sa vie vite recomposée, sa nana qui était partie et qui l’a presque suppliée de la reprendre, il commençait toutes ses phrases par un « je vais t’expliquer quelque chose » et s’en suivait de la psy à deux balles sur mon incapacité à ne pas aimer, sur mon approche adolescente des relations humaines, sur mon invention d’une vie à la Causette alors que j’avais tout et lui rien, juste, un travail, une maison et une nana… Et à un moment, j’ai osé dire « je crois que l’on va en rester là définitivement ». Il a ri de ce rire nerveux que je lui connaissais, un rire qui est un peu comme un coup qu’il aurait pris dans le ventre. Je sais que je vais m’en mordre les doigts, les soirs oCapture d_écran 2018-11-16 à 09.01.39ù je me sentirais seule, je sais que c’était agréable de m’entendre dire que j’ai le pouvoir d’avoir les mecs que je veux mais que je ne m’en rends pas compte, je sais que ce miroir m’était à défaut de nécessaire, confortable. Mais ce miroir ne m’a jamais servi à rien parce que je suis, comme je lui ai dit, sur le quai de la gare alors que lui a pris un nouveau train, une nouvelle vie, lui qui disait ne jamais retrouver ce qu’il avait avec moi. Il a raison, je doute qu’il retrouve un toutou aussi docile et compatissant, toujours disponible, mais finalement, il aura une nana qui imposera ses choix et il s’y pliera, parce que c’est inévitablement ce que les mecs font, se mettre sous la coupe d’une femme. Mais ça, définitivement, je ne sais pas le faire… Et puis, j’en ai marre d’y avoir crû et je lui en veux de s’en être sorti aussi vite. C’est minable d’être envieuse, j’en conviens aisément. Une fois par semaine, je lui enverrais des photos de son chat, c’est ce qu’il m’a demandé et que je ferais, sans un mot, sans un commentaire, même les jours où je me sentirai seule….

Je n’ai jamais crû ceux qui disent que l’on peut vivre bien, avec un bon boulot, de beaux enfants, une maison et des amis, que cela peut suffire à être heureux. Que l’on peut donc vivre sans l’affection d’un autre, sans de l’affection à rendre. J’adorerai pouvoir penser et vivre cela, et je veux bien faire le pari que cela me soit rendu possible un jour. Je veux prendre ce pari !

Un samedi en enfer

Capture d_écran 2018-11-12 à 08.44.33J’ai passé un samedi en enfer, le matin, je ne savais même pas si je serai capable de me lever, cette impression de n’avoir qu’une seule à faire, pleurer, encore et toujours. Mais, il y avait les enfants dans les pièces à côté qui commençaient à s’agiter, un repas d’anniversaire à honorer. La première des choses a été de s’avouer vaincue, ne pas essayer de lutter, de trouver en soi les ressources que l’on sait ne pas avoir. Une séance de psy le vendredi soir, et les répliques le lendemain, des répliques sourdes, mauvaises, angoissantes que rien ne vient canaliser. Je sais que le soin est à ce prix, il passe par des phases de descente aux enfers. Ces jours-là, chaque heure sans pleurs est une petite victoire sur soi-même, sur sa qualité de mère qui ne doit pas alerter ses enfants. Chaque heure qui avance rapproche du moment de se coucher et de pouvoir laisser libre cours à ses angoisses, à ses peurs, à cette peur de finir par accepter. Je n’ai pas encore renoncer à l’idée, je n’ai pas encore céder contre l’évidence, je ne veux pas encore me dire que jamais, je ne le reverrais, que jamais son nom ne s’affichera sur mon téléphone. Je ne veux pas lui trouver des raisons, je ne veux pas entendre des explications logiques, je ne veux pas tout cela.

Je suis entre deux mondes, entre deux temps, avant le renoncement…

Et puis, il y eut dimanche, un peu comme on sort d’un tunnel, le matin qui n’est plus chagrin, l’envie de voir du monde, et puis celui d’aller courir et de faire du pain, une autre victoire, une journée entière de paix intérieure. Sans tirer de plan sur la comète, sans espérer quoi que ce soit de plus que ce jour au calme. Pierre à pierre, petite victoire après micro-avancement.

Apprendre

Image 08-11-2018 à 13.11Et si c’était cela la solution, se lancer dans de nouveaux apprentissages pour ne pas laisser le temps prendre le pas. Partout, je lis qu’il faut occuper l’esprit, occuper le cerveau, pour ne pas lui laisser le loisir de tourner à vide sur les choses qui ne seront pas. C’est difficile d’avoir un quotidien qui ne ressemble plus à celui d’avant. Il faut éviter tout ce qui peut montrer la différence, il faut éviter les lieux qui font penser à, il faut louvoyer dans la ville en espérant ne pas le croiser…

Alors, je remplis le temps et l’espace. Hier, je suis allée dans une librairie ésotérique, c’est un monde qui m’a toujours fascinée et avant-hier sur un post Instagram, j’ai découvert quelqu’un qui se tirait une carte du tarot de Marseille tous les matins. Un peu comme on regarde la météo, disait-elle. J’ai passé ma soirée à regarder divers sites sur ce sujet, pensant que cela relevait de la magie comme la médiumnité ou la voyance, alors que pas du tout. C’est un apprentissage et surtout une sorte de l’éveil sur l’intuition dont nous sommes tous dotés, mais avec plus ou moins de fermeture. Un peu comme si nous refoulions cet accès à notre inconscient. Bref, je suis repartie de la librairie avec deux bouquins sur le Tarot, un Tarot évidemment, de l’encens pour purifier mon aura (le premier qui se moque, attention !) et une améthyste rose. Sachez que la lithothérapie fonctionne très bien, enfin sur moi. J’avoue que le mec était un peu trop perché pour moi, mais très gentil, genre, on va te trouver des solutions pour que ça aille mieux. Et puis comme aurait dit ma grand-mère, si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire de mal. C’est bien mon idée !

Donc, hier soir, après avoir purifié la maison avec un encens que mon fils a trouvé fantastique, je me suis attaquée à la lecture de mes bouquins et j’ai fait un premier tirage avec la question « qu’est-ce que la justice va décider pour ma requête ? ». Et vous savez quoi ? J’arrive plus à retrouver le nom des cartes (erreur de débutante, j’aurai dû noter), mais en gros ça disait que quelque soit la décision ce devait être un point central, un point d’arrêt de l’ancien monde et un point de départ d’un nouveau monde. En fait, mon état d’esprit sur la question est exactement celui-là. STOP, prendre acte de ce qui sera décidé et aller de l’avant, sans se retourner sur cet individu, le sortir de mon esprit. Sérieux, c’est dingo quand même ?!

Bon et alors, ce matin, rebelote, je tire ma carte du jour. Et là, je tire … l’amoureux ! Là t’as juste envie de balancer le tarot au milieu de la cuisine en reniant à jamais cette pratique. Sauf que comme tu n’es pas une novice en tarot (tu as une expérience d’une demie-nuit) tu sais très bien que l’amoureux, c’est pas l’amoureux, le vrai. Il représente tout autre chose de bien plus intéressant au demeurant. Les interprétations traditionnelles sont « aimer ce que l’on fait, faire ce que l’on aime, joie, vie sociale »…. Sauf que moi, comble de la malchance, j’ai tiré la carte à l’envers, ce qui signifie que c’est le côté « noir » de la carte qui doit être retenu, et là, ça se gâte, on est sur  » conflit, ambiguïté, domaine émotionnel »… Certains tarologues refusent de tenir compte de la position de la carte, c’est le cas de Jodorowsky, l’auteur du bouquin que j’ai acheté donc on va oublier ce versant carrément pessimiste pour ne garder que le positif.

Donc, j’apprends les tarots. Mes potes vont me détester à leur prochaine visite à la maison, je vais me tester ! Ça m’occupe l’esprit, par contre, aucune chance que j’ouvre un jour une roulotte, les boucles d’oreilles me vont très mal, je manquerai définitivement de style !

Trouver un axe

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Se réveiller, prendre son petit-déjeuner et déjà penser à lui. Essayer de chasser cette idée, et savoir que la journée va être consacrée à cette lutte contre des idées qui reviennent. Monter se doucher, se préparer. Prendre le train et un livre, parce que pendant ce temps-là, les idées s’absentent. Enquiller les escaliers, sortir de la gare, il fait déjà jour, il n’est pas encore 8h, filer le long de la rue Bayard, avec l’objectif de marcher assez vite pour pouvoir s’arrêter boire un allongé, sortir son ordinateur et gratter quelques lignes. Une journée de travail qui débute en espérant qu’il y ait plein de réunions, plein de bruits, plein de gens, et avoir envie du vide pour laisser les idées reprendre le dessus. Osciller en permanence entre ce désir d’oublier, de l’oublier et ce besoin de le laisser encore envahir ma vie, comme si tout cela n’était pas vraiment fini…

Partout, lire qu’il faut lâcher prise, ce mot est utilisé, à se demander comment il existe encore tellement il doit être usé. Ça consiste en quoi ?  Je ne sais pas, je ne le sais toujours pas. Je n’ai pas envie de renoncer à l’idée que cette histoire n’est pas tout à fait morte. Et en même temps, n’avoir pas envie d’y repenser sans cesse, cela fait trop mal. Comment faire la paix avec une histoire qui ne s’est pas mal passée ?

La psy me dit que mon problème est que je ne suis pas en colère, que je n’ai jamais été en colère, que je n’arrive pas à être en colère, même quand on me fait du mal. Même quand on me quitte, même quand on me nie. Je suis triste, je suis amoindrie, je suis meurtrie mais pas en colère.

Je l’ai été, il y a 15 jours contre celui qui était là avant P. Celui dont je garde le chat. Celui qui me disait que si je le laissais tomber, il n’irait pas voir ailleurs parce que ça lui mettrait un coup, 6 ans, 6 ans de rien, de néant, ce n’était pas rien. J’ai été en colère parce que 10 jours après que j’ai arrêté, j’étais déjà remplacée. En colère contre lui, d’avoir menti et contre moi, de l’avoir crû. J’ai été en colère, j’ai crié au téléphone, je lui ai dit qu’il m’avait menti, j’ai crié et puis je me suis excusée d’avoir mal parlé, et puis j’ai avoué que j’avais P, je me suis aplatie devant lui, je n’ai même pas été capable de lui donner du remords.

Il continue de m’écrire pour prendre des nouvelles du chat. J’ai envie de dire stop et puis j’ai peur de la solitude totale. Il ne dit rien d’intéressant, il me fait comprendre les soirs où sa nana vient le voir, il ne se prive pas et je n’arrive pas à dire stop. Je me dis que ce pourrait être lui ma première vraie colère, mon premier geste de colère mais même ça, je n’y arrive pas. Je mets un uppercut et la seconde d’après, je m’excuse, je dis que ce n’est pas ce que je voulais dire. Il a le dernier mot.

Je m’aplatis, il le sait celui devant qui j’étais au tribunal, il le sait celui dont je garde le chat, ils le savent et ça ne doit pas beaucoup donner envie une fille qui s’aplatit. Je le sais mais je ne parviens pas à être en colère, à dire « c’est comme ça que je veux les choses ». Je n’y arrive pas. Dans mon boulot, je suis respectée, on sait que je ne lâche rien, on me le dit d’ailleurs, je suis une battante, je suis une méchante quand il le faut. Mais avec les hommes, je ne suis pas cette femme-là.

Alors, il faut lâcher prise, pour cela, faudrait-il encore qu’il y ait une prise, il faudrait que je puisse m’accrocher à quelque chose en moi. J’écris, j’écris, je crée, je tricote jusqu’à l’overdose, je lis… Je me dis que de tout cela viendra la lumière, mais je sais qu’au fond de moi, je n’ai qu’un désir : lui.

 

Pourquoi continuer de lutter ?

Image 05-11-2018 à 12.52La greffière a ouvert la porte, nous sommes entrés. La juge a demandé la nature de ma demande, une augmentation de la pension alimentaire (qui est actuellement de 153 euros pour deux enfants) et un partage équitable des frais de scolarité et des frais exceptionnels.

Et le cinéma a commencé. Il a été très malade la semaine dernière, il reprend à peine le travail, il a des frais de transport qui le mettent en situation de surendettement -lui le déchargé syndical qui ne va au travail qu’une fois par semaine-. S’il pouvait, il le ferait, d’ailleurs il gâte ses enfants tant qu’il le peut, lui qui ne leur donnerait pas la jaunisse et qui leur demande de lui avancer de l’argent. Il a parlé du gite que nous gérons ensemble alors qu’il n’y a pas mis une seconde d’attention depuis des années, mais l’a fait visiter à sa belle famille, il y a un mois.

J’ai soufflé que je pensais que l’on ne peut pas mentir à la justice. La juge m’a demandé pourquoi je disais cela, j’ai parlé de son non-travail, de ses non-frais (puisqu’il vit chez sa compagne), de sa saisie sur salaire depuis notre divorce parce qu’il n’a jamais rien payé spontanément. Mais quand on est droite, quand on a une morale et que l’on vit la monstruosité de cet homme qui m’a volée ma vie, on sait qu’il faut se taire parce que la gorge se noue, les larmes arrivent de loin, des années qu’elles macèrent. On se tait parce que ça ne servira à rien, parce qu’on se lève pour partir et qu’il se penche vers la juge et qu’il lui dit : »je vous assure, je fais tout pour mes enfants, je leur donne de l’argent dès que je peux et tous les week-ends, nous faisons plein de choses ensemble ».

Je suis partie, vite, enquiller les couloirs, descendre la volée de marche, filer dans la rue, ne pas se retourner et avoir envie de hurler…

On pense à ceux qui pensent qu’un jour, il paiera l’addition finale, qu’il finira par payer pour tout le mal qu’il fait. Mais aujourd’hui encore, il a fait son cinéma, il a menti avec un aplomb hallucinant.

Contre ce monstre, j’aurai dû avoir un avocat, j’aurai dû payer encore pour espérer le mettre face à ses responsabilités. Mais c’est un être qui n’a aucune responsabilité. J’élève définitivement seule mes enfants et j’envie finalement celles qui savent qu’elles sont réellement seules. Au moins, cela a le mérite de la clarté !

Et que l’on ne vienne pas me dire qu’il n’est certainement pas bien dans sa tête, que tromper le monde comme cela dénote un désordre mental, ou que sais-je ? La réalité, c’est qu’il a deux enfants et c’est mon problème, plus le sien. Ils leur servent juste de faire-valoir, comme tout le reste.

Le sentiment d’injustice bouffe tout sur son passage, c’est violent, c’est déguelasse, juste déguelasse.

Recommencer à zéro

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Sensation bizarre de repartir de zéro, un peu comme si j’avais tout quitté pour reprendre ma vie ailleurs. J’ai amené avec moi, mes plus fidèles, ceux en qui j’ai toute confiance et je me mets en position de devoir à nouveau faire mes preuves, à nouveau donner envie de me lire. Aujourd’hui, si j’avais une baguette magique, j’aurai envie de retrouver la fille que j’étais au tout début, le début du premier blog, une fille plutôt drôle, un peu farfelue. Je me demande toujours si c’est l’âge qui fait perdre cela, le temps qui passe, l’expérience qui endurcit, quoi au juste ?

Je repars de zéro et tant pis, si je suis seule à me lire.

Lundi, pour ajouter à l’ambiance un peu pesante de cette période, j’ai rendez-vous devant le juge, pour mettre enfin le père des enfants, face à ses responsabilités. J’ai déposé cette requête au moment où tout semblait me sourire, j’avais un nouveau job, une relation naissante et je me sentais capable d’affronter cette épreuve. Entre temps, vous savez maintenant ce qu’il est advenu, mais l’audience aura bien lieu.

Depuis que l’huissier a signifié la convocation (puisqu’il n’avait pas daigné allé chercher le recommandé à la Poste…), les grandes manoeuvres ont commencé. Le jour de la Toussaint, il a écrit un Sms à ma fille pour qu’elle me demande le portable de notre médecin de famille, arguant qu’il voulait un avis sur des médicaments prescrits par son nouveau médecin. Il se fait conduire en voiture par sa nana au métro étant trop faible pour se véhiculer lui-même…

On n’imagine pas à quel point un avis d’huissier peut avoir comme conséquence sur la santé des gens… Dingue !

J’appréhende l’attente sur les bancs de la salle d’attente, j’appréhende ses tentatives de déstabilisation sur le mode « pourquoi tu fais ça », j’enrage d’entendre mon fils me dire « c’est toi qui as commencé », je n’en peux plus de la sollicitude de ma fille qui le plaint…

Lundi, à 10h, oui lundi…

Les « fraicheurs »

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A la maison, nous sommes des « fraicheurs », ouais ! On a d’abord eu la grande qui l’a été avant tout le monde. Ensuite, son frère a pris le relais, on ne sait pas trop comment, au début, nous en riions sous cape avec sa soeur. Et puis, ce fut mon tour, les copines de la grande, les potes du petit en étaient venus à leur dire que « purée, ta mère elle est trop fraîche ». Alors si tu es comme moi une novice en vie adolescente, tu te  demandes forcément ce que cela peut bien signifier ! En gros, si tu es de la génération d’Alberte, tu comprendras mieux si je te dis que nous sommes smart ! A la mode, quoi !

Ce matin, je suis allée marcher, en fait, j’étais partie pour courir mais au bout de 20 mn, j’ai failli rendre l’âme, mais je me suis aperçue que pendant ce temps-là, je ne pensais à rien d’autres qu’aux foulées et aux respirations, il fallait donc que je continue. J’ai finalement fait 9 km et ai pu écouter un épisode des « Chemins de la philosophie », consacré au film de David Cronenberg, A History of violence.  L’invité cite « La visibilité est un piège », issu de Surveiller et punir de Michel Foucault. Et dieu que cette citation est vraie, être visible est un piège qui se referme sur nous comme une pieuvre. Elle épuise notre créativité. Un auteur ne vit pas cela, car il lance son livre, certes il doit subir les critiques mais elles viennent de professionnels et donc elles font grandir. Quoiqu’avec les réseaux sociaux, cela évolue aussi. Dans l’expérience Facebook, il y a cette sensation d’être exposée sans pouvoir avoir le recul nécessaire pour s’en protéger. N’importe quelle critique qu’elle vienne de proche ou d’inconnu se pose au même niveau, il est compliqué de s’en extraire, elle est comme une glue qui nous enserre de ses pattes gluantes.

FB m’a amené un travail (mon boss précédent m’avait connu et souhaité dans son équipe en me lisant) et une relation sentimentale. Les deux ont mal fini (même si je le dis comme une pensée magique, je n’ai pas renoncé à cette histoire, pas encore…), cela interroge. Se savoir lue par des gens qui vous sont si proches est épuisant au quotidien, chaque mot pèse, chaque mot est donc pesé et cela n’est pas possible durablement. Il y a une espèce de mise sous séquestre de sa propre vie que l’on ne peut pas tenir sur le long terme. On se demande de quoi parler, quoi partager et comment être. Sans parler des billets qui suscitent une horde de mecs en rût que votre mec peut considérer comme des rivaux ou vous considérer comme malsaine de vouloir les attirer.

J’ai longtemps espéré que FB m’aiderait à réaliser mon vieux rêve d’être éditée, cela m’a apporté des gens, pas toujours intéressant, parfois connu (genre David Lowe !), mais j’ai surtout été déçue. Je peux raconter l’histoire du premier secrétaire du PS français qui vous demande en ami et qui dans les 10 secondes, vous envoie un message de drague appuyée ! Je ne dirais pas son nom, ce n’est pas l’actuel. Les mecs sous couvert de la virtualité se permettent tout et n’importe quoi.

Aujourd’hui, je me sens soulagée de ne plus être sous cette loupe. Ici, je me sens chez moi, dans mon univers, bien au chaud. Je vais certainement beaucoup écrire, trop certainement pour être lue. C’est un outil pour retrouver le plaisir d’écrire. Juste ça.

Aime-toi, d’abord

IMG_9329Ce que j’ai pu l’entendre cette phrase, jusqu’à l’écoeurement. Et puis, elle est tellement culpabilisante, ils ne t’aiment pas, ils n’arrivent jamais à t’aimer parce que tu ne t’aimes pas assez. Tu pourras être heureuse en amour quand tu t’aimeras.

Soit ! Admettons. Vivre seule, je sais faire, je le fais de gré ou plus souvent de force depuis  des années au point que je ne me souvienne plus de comment ça fait de vivre à deux. Vous savez quoi ? J’ai eu ma dose de vivre avec moi-même, un peu comme dans ces jeux idiots, avec plusieurs vies, on va jouer au jeu de « j’ai épuisé mes vies de solitude », je veux entrer dans l’autre tableau, celui où on a gagné le droit de vivre à deux et d’y être heureux.

D’ailleurs, je n’ai même plus cette ambition, la vie commune et tout le toutim… Elle est passée de mode dans mon registre des possibles. Je n’en demande pas tant. Juste pouvoir dire « mon amoureux », « mon mec », mon « je-ne-sais-pas-quoi ». Comme dans la chanson, ‘fais-moi une place au fond de ta bulle’. J’ai tout essayé, me fondre dans les désirs de l’autre, me laisser envahir par la personnalité de l’autre au point de ne plus en avoir une à moi, devenir une amoureuse normale, j’y étais arrivée, j’étais normale, je faisais bien attention au « pas trop », au « pas assez », pondérée, juste comme je suis, moi, au fond de moi. Un peu fantasque mais pas trop, un peu parfaite mais pas trop non plus, je laissais traîner une part d’à peu près, d’approximatif. Il m’a même écrit que j’étais une belle personne, ça me fait un bon point de plus. Cochez les cases, cochez, c’est peine perdue !

Si on se résume, ils me trouvent bien foutue, intelligente, gentille, patiente, indépendante, attentive, positive, avec humour et auto-dérision en prime, je fais super bien à bouffer et j’ai plein d’imagination. Et malgré ça, au revoir, merci mais non ! Toujours, non merci.

Connasse, voilà, c’est peut-être cela que cherchent les mecs finalement. Une conne qui les maltraite, qui les houspille, dont ils peuvent se plaindre, qui les a bien en main, qui les tient par le bout du nez. Je devrais faire cette école-là, peut-être que j’aurai une chance de réussir, ce que j’ai lamentablement foiré depuis maintenant plus de 25 ans.

Tu veux quoi dans la vie ? Là, juste-là ? Prendre mon ordinateur, me mettre devant le poêle à bois, avec un plaid, un thé, et me caler juste contre lui pour rédiger mon billet du jour, juste savoir qu’il est là et que je suis là, moi, comme je suis, ni plus, ni moins.

Fin du rêve

Bonjour, docteur

IMG_3101Peut-être que cela pourrait s’appeler « journal d’une dépression », la mienne, j’imagine que chacun la vit à sa manière, il n’y a pas une dépression type, il y a juste un moment où assise dans le lit à pleurer, il n’est pas imaginable de continuer comme cela. Ce n’est pas ma première, alors, je commence un peu à connaitre la bête, à savoir ce qu’il ne faut pas faire : la laisser prendre la main. La précédente, c’était aussi à cause d’un homme, un de ceux pour qui tout va bien, et qui du jour au lendemain, part sans explication et revient 3 ans plus tard en vous déclarant que tout compte fait, il a découvert que vous étiez la femme de sa vie. Dommage, pour moi, l’histoire avait été soldée au prix d’une dépression carabinée.

Cela va s’appeler « journal d’une dépression » et je pense à ceux qui sont de l’autre côté de l’écran, leur sentiment de malaise face à cet épanchement abrupt, trop intime. Et à se demander pourquoi Alberte n’écrit pas juste pour elle, en fermant son ordinateur, après avoir raconté ce qu’elle vit. Parce qu’elle a besoin de l’écrire pour d’autres, pour un algorithme qui enverra sur cette page des gens qui vivent la même chose et qui peut-être auront aussi besoin de se sentir moins seuls. Alberte n’aime pas parler de cela à ses amis parce qu’elle en a assez d’être celle pour qui rien ne se passe comme chez les autres. C’est compliqué de ne pas être dans une vie rangée, évidente, classique. La psy dit que c’est le signe d’être en vie, parfois, j’aimerai être moins vivante et plus « comme les autres ». Il y a tant à dire, il faut que j’admette de les dire, phase après phase.

Assise dans le lit à pleurer, un jour, deux jours, des enfants assez grands pour ne plus leur vendre des « maman est fatiguée, ou maman a la grippe ». Vite, leur dire que le gentil monsieur dont elle parlait beaucoup s’est barré. Mon fils de lâcher un « quel con » sorti du fond du coeur. Deux jours et admettre qu’il faut voir un médecin, lui raconter que cela ne va pas, que ce n’est pas moi cette fille qui pleure sans pouvoir s’arrêter, que je ne peux pas « rester comme cela ». Pleurer devant lui comme les dernières forces mises dans la bataille pour résister aux digues qui craquent. Se faire prescrire des anxiolytiques. Non, docteur, je ne veux pas être abrutie, je ne veux pas passer ma vie à ressembler à un zombie. Je veux recommencer à être moi, à vivre, à penser, à remettre le cerveau en marche mais autrement. J’en ai assez qu’il tourne en boucle, qu’il ne voit que le lit vide, que la solitude de la fille de 45 ans. Donnez-moi des anti-dépresseurs, de ceux qui ouvrent la voie, qui défrichent les idées, les ordonnent autrement, plus joyeusement.

Les premiers jours sont pires, on a envie de se jeter par la fenêtre, l’envie de mourir est décuplée, on rappelle le médecin qui dit que c’est normal, ils enlèvent les inhibitions, toutes, les bonnes comme les mauvaises et quand on a surtout des mauvaises, la phase est la pire. J’y suis en plein dedans, des envies sombres qui prennent le pas sur tout. Tout demande un effort. On se sent capable de quelque chose et l’heure d’après, on veut juste s’enfermer chez soi et hurler sa douleur.

Prenez vos anxiolytiques, je vous l’ai dit… 3 semaines, trois semaines, le temps que les idées noires soient chassées par la chimie du bonheur. 3…, il en reste 2 à passer…

Sortir de la lumière

Comme un insecte qui s’y est brûlé les ailes. Mais ne pas quitter cette existence de mots parce que les maux ne s’apaiseront que dans l’écrit. Alors, s’il vous appartient de choisir de venir me suivre ici, il m’appartient de vous avertir que rien ne sera gai, rien ne sera facile, rien ne vous sera épargné. J’en ai assez d’écrire en pensant à ce que les autres vont en penser, à ce que les autres vont en faire.

Ecrire est une nécessité, à moi de faire désormais en sorte que cela ne soit plus un impératif dicté par l’image que je voudrais donner de moi. Vous ne savez pas qui je suis, ou pour celles et ceux qui le savent, ils ne pourront jamais le préciser, le dire, l’anonymat est mon salut, respectez-en l’augure. Désormais, je suis Alberte.

J’ai débuté un été sous le signe de l’amour, de la passion, du bonheur, on était venu me chercher, on était venu me dire que j’étais belle, désirable, intelligente, on était venu me dire que FB avait été la vitrine de cette passion grandissante, j’y avais donné l’envie de poursuivre, d’aller plus loin, de vivre. Et ce furent trois mois de cette passion, véritable, dans et hors du lit. Une passion qui ne se commande pas, qui se vit, dont on profite, que l’on fait grandir, à tous les instants même si on a peur, même si on sait que l’on a été autrefois meurtrie par les autres, par ceux qui du jour au lendemain, ont coupé court et vite, ont tranché dans le vif. On écoute l’autre faire des projets, parler de ce que l’on fera ensuite, de ce que notre vie sera.

Et puis, la rentrée arrive, avec ses difficultés, ses emplois du temps de dingue, les enfants des uns et des autres à gérer, un boulot prenant et envahissant pour lui et cette sensation que les choses échappent. Les discussions que l’on essaie de susciter et qu’il fuit. Jusqu’à ce que acculé au pied du mur, il dise sa peur de lui, de lui face à moi, de lui, face à des sentiments qui sont là mais peut-être difformes, parce qu’ils ne ressemblent pas à ceux qui existaient avant pour celles qui n’étaient pas disponibles ou qui étaient maltraitantes avec lui. Il reconnait qu’il est perturbant de tomber sur quelqu’un de doux, de gentil, de patient, de compréhensif, que ce n’est pas évident, qu’on ne sait que faire de tant de gentillesse. Et alors, on fuit, on arrête, on coupe les ponts, on arrête tout, on se tait, on ne réagit plus sur les réseaux sociaux, on abandonne. On laisse l’autre en plan.

L’autre qui glisse lentement, qui passe deux jours à ne plus savoir comment poser le pied par terre. On s’envole vers un ailleurs dont on ne sait pas si on reviendra un jour. On va voir un docteur, on s’avoue vaincue, on accepte les anti dépresseurs, on accepte de capituler, d’être un zombie, de ne plus savoir quoi faire, qui être, on hésite à se jeter par la fenêtre parce que on a 45 ans et plus l’impression d’un avenir à saisir. On a 45 ans et on se sent encore plus vilaine qu’avant. On reprend le chemin de la psy mais on n’avance pas. On écoute nous dire que c’est le premier « non pervers », et alors ? Ca change quoi ? Ils partent toujours.

Et on arrête FB, parce qu’un jour, il a dit que « créer une page FB pour parler de ce que tu  penses, c’est un non évènement, tu t’en rends compte ». Il a eu beau s’excuser après, il a insinué que peut-être c’est encombrant une personnalité comme la mienne, c’est encombrant une fille qui réfléchit trop, qui a trop de relations, qui suscite trop de commentaires. Alors, elle revient dans l’anonymat. Elle reprend un pseudonyme. Elle a envie de repartir de zéro, de refaire le chemin, de se reconstruire ici.

Alors, alors, si vous n’aimez pas les gens qui pleurnichent, les gens qui vont mal, les gens qui doutent, les gens qui cherchent une voie, une porte de sortie, ne restez pas. Ici, ce ne sera que cela. Au moins un temps, le temps de la reconstruction. En espérant qu’elle arrive un jour.

Bonjour, je me présente, je m’appelle Alberte, j’ai 45 ans et je suis en dépression.