Je suis un peu incorrigible, la fille qui ne sait pas s’arrêter de penser pour vivre. Je lutte contre cette obsession des idées, du cerveau qui tourne en boucle sur quelque chose, qui ne parvient pas à débrancher. Mais, je n’y parviens pas, malgré les lectures, le tricotage, les séries, les occupations pour débrancher…
En début de semaine, je suis passée à Ombres Blanches, la librairie toulousaine pour acheter le livre de poésie de Cécile Coulon, que je suis sur FB et que j’aime beaucoup. Il était en rupture, je suis donc montée à l’étage « psycho » pour voir les nouveautés. J’évite dorénavant tous les bouquins qui vous prédisent le bonheur en trois semaines, je crois que j’ai un peu fait le tour de la question des recettes prédéfinies, qui ne peuvent pas, forcément, s’adapter à tous, ce serait trop facile. Et je suis tombée sur ce bouquin : « En cas d’amour, psychopathologie de la vie amoureuse ». La dernière de couverture me parlait déjà beaucoup mais j’avoue que le premier chapitre avalé sur un des fauteuils de la librairie a fini de me convaincre. Il commence ainsi : « je voudrais que vous me débarrassiez de l’amour ». C’était exactement ce que j’ai dit à ma psy, je veux être anesthésiée des sentiments, je ne veux plus aimer parce que je ne veux plus souffrir, je veux pouvoir avoir des relations tout en légèreté mais pourtant qui auraient un sens. Et c’est exactement ce que la première patiente de la psychanalyste du bouquin sollicite. Il est finalement bon de lire que ce que l’on vit à quelque chose de commun, d’universel, parce que cela signifie que les solutions peuvent aussi exister, que ce n’est pas le trou noir d’une incompréhension impossible à combler.
Hier, j’ai l’impression d’avoir passé un cap, j’ai arrêté toute communication avec le propriétaire du chat. J’avoue pour de mauvaises raisons, ou du moins des raisons minables. Il venait, comme d’habitude, une fois par semaine, prendre des nouvelles de son chat et me balancer à la gueule, sa vie vite recomposée, sa nana qui était partie et qui l’a presque suppliée de la reprendre, il commençait toutes ses phrases par un « je vais t’expliquer quelque chose » et s’en suivait de la psy à deux balles sur mon incapacité à ne pas aimer, sur mon approche adolescente des relations humaines, sur mon invention d’une vie à la Causette alors que j’avais tout et lui rien, juste, un travail, une maison et une nana… Et à un moment, j’ai osé dire « je crois que l’on va en rester là définitivement ». Il a ri de ce rire nerveux que je lui connaissais, un rire qui est un peu comme un coup qu’il aurait pris dans le ventre. Je sais que je vais m’en mordre les doigts, les soirs où je me sentirais seule, je sais que c’était agréable de m’entendre dire que j’ai le pouvoir d’avoir les mecs que je veux mais que je ne m’en rends pas compte, je sais que ce miroir m’était à défaut de nécessaire, confortable. Mais ce miroir ne m’a jamais servi à rien parce que je suis, comme je lui ai dit, sur le quai de la gare alors que lui a pris un nouveau train, une nouvelle vie, lui qui disait ne jamais retrouver ce qu’il avait avec moi. Il a raison, je doute qu’il retrouve un toutou aussi docile et compatissant, toujours disponible, mais finalement, il aura une nana qui imposera ses choix et il s’y pliera, parce que c’est inévitablement ce que les mecs font, se mettre sous la coupe d’une femme. Mais ça, définitivement, je ne sais pas le faire… Et puis, j’en ai marre d’y avoir crû et je lui en veux de s’en être sorti aussi vite. C’est minable d’être envieuse, j’en conviens aisément. Une fois par semaine, je lui enverrais des photos de son chat, c’est ce qu’il m’a demandé et que je ferais, sans un mot, sans un commentaire, même les jours où je me sentirai seule….
Je n’ai jamais crû ceux qui disent que l’on peut vivre bien, avec un bon boulot, de beaux enfants, une maison et des amis, que cela peut suffire à être heureux. Que l’on peut donc vivre sans l’affection d’un autre, sans de l’affection à rendre. J’adorerai pouvoir penser et vivre cela, et je veux bien faire le pari que cela me soit rendu possible un jour. Je veux prendre ce pari !